Allonger la durée de cotisation est une mesure présentée comme inéluctable sous prétexte de l’allongement de la durée de la vie. Cette argumentation sert à masquer les choix politiques qui ont été faits et qui commencent à produire leurs effets destructeurs. Les travaux du COR montrent le faible impact des réformes des retraites de 1993 (réforme Balladur) et 2003 ( réforme Fillon) sur l’âge des départs en retraite : les salariés n’ont guère le choix et continuent de partir avant d’avoir la totalité de leurs annuités et partent donc avec des retraites largement amputées. Ces réformes sont des machines à fabriquer de petites retraites et donc à créer de la pauvreté.
La politique inavouable de nos gouvernants, c’est la baisse spectaculaire des taux de remplacement des pensions donc du niveau de vie des retraités, par le double mécanisme de l’allongement de la durée de cotisation nécessaire et de la décote, double peine pour tous ceux à qui on ne permet pas de faire une carrière complète, et injustice particulièrement discriminante pour les femmes. Ajoutés à l’indexation des pensions sur les prix (22% de perte de pouvoir d’achat d’un retraité par rapport à un actif en 20 ans !), ces dispositifs ont des effets dévastateurs pour tout le monde. Pour les jeunes, ils ont aussi la fonction de décrédibiliser le système actuel par répartition au bénéfice de la capitalisation.
On force ainsi la main au salarié en l’orientant vers la solution de l’épargne individuelle (dont on connaît les risques) et uniquement pour ceux qui le pourront !… mais pour le plus grand profit des officines privées (banques et compagnies d’assurances qui prospèrent sur la destruction des solidarités collectives).
D’autres choix sont possibles, en optant pour les financements solidaires, en mettant un coup d’arrêt aux régressions programmées, en revenant sur celles de 1993 et 2003, en rétablissant l’égalité et la justice contre l’équité régressive qui en est la dangereuse contrefaçon.
Rétablir la répartition de la richesse produite au profit des salariés, c’est tout à fait possible !
En 2006, 12,9 % du PIB était consacrés aux retraites. Sur la base d’un scénario à 37,5 années de cotisation, avec départ à 60 ans et 75 % au moins du dernier salaire pour la pension il faudrait augmenter les cotisations de 15 points sur 40 ans. Le COR (Conseil d’Orientation des Retraites) estime qu’il faudrait consacrer 18,5 % du PIB pour les retraites en 2040. Soit 6 points de plus sur la période, le même effort que ces 40 dernières années (5,7 % du PIB en 1959 et 12,9 % en 2006). Cela ne représente que 0,37 point de cotisation supplémentaire par an. Et encore, les dernières projections démographiques de l’INSEE, plus favorables, réduisent un peu ce niveau de prélèvement.
0,37 point de cotisation supplémentaire par an, c’est une décision tout à fait possible économiquement… à condition d’accepter le fait que toutes les richesses produites ne partent pas aux seuls profits. C’est un autre choix politique !
Equité = généralisation des inégalités ?
Au nom de l’équité on prétend aligner vers le statut le plus défavorable ceux qui sont désignés comme des nantis. Mais on a créé artificiellement cette inégalité en attaquant d’abord le secteur le plus vulnérable, celui des salariés du privé. C’était l’acte I, la réforme Balladur. On a dénoncé ensuite comme inéquitable la situation des « nantis » du secteur public qui gardait le régime plus favorable antérieur : l’« équité » a été rétablie en 2003 , = régression pour tous ! C’était l’acte II , la réforme Fillon. Acte III, on continue la croisade pour l’équité, haro sur les régimes spéciaux. Toute tragédie classique est en 5 actes… Attendrons-nous d’être au cœur de l’acte IV pour voir supprimer, au nom de l’équité, notre scandaleux privilège d’un calcul des pensions sur les 6 derniers mois ?