Un avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique avait été communiqué officiellement aux organisations syndicales le 7 mars. Ce document transmis au conseil d’Etat a été soumis courant mars dans différentes instances de concertation ainsi qu’aux conseils supérieurs de la FP où la FSU a réaffirmé son opposition lors des différents votes (CSE-CNESER-CSFPE…).
Face aux contestations des élus et notamment aux pressions du Sénat, le gouvernement a décidé de présenter trois textes distincts. Le premier, sur les métropoles, la clarification des compétences entre collectivités avec la désignation des chefs de file et l’instauration des conférences territoriales a étéprésenté au Sénat en mai. Le deuxième sur les rôles des régions dans le domaine du développement économique et l’égalité des territoires serait examiné cet automne. Le troisième, consacré au haut conseil des territoires, à l’intercommunalité et à la démocratie locale, est très contesté par les maires car il envisage le renforcement des compétences de l’intercommunalité. Il viendrait devant le Parlement plus tard… et sans doute après les municipales de 2014, voire les sénatoriales.
Ces projets ne sont pas en rupture avec la réforme des collectivités territoriales de Sarkozy. Cet acte 3 de la décentralisation a été mené par le gouvernement sous le lobbying des associations d’élus (régions, départements, maires). Il s’inscrit dans le cadre européen et fait référence aux règles communautaires en matière de concurrence, de réponse à la « croissance économique » et surtout à la compétitivité. Il conduira à un accroissement des inégalités entre les territoires (selon que vous soyez dans une métropole ou juste à côté vous n’aurez pas les mêmes moyens).
Les points essentiels de ce projet :
Les conférences territoriales de l’action publique
Les compétences de la région
L’orientation
La formation professionnelle
La gouvernance de l’emploi et de la formation professionnelle
Les langues régionales
Les métropoles
La politique du handicap
La clause générale de compétences
L’action sociale
Les espaces mutualisés de service public
Les transferts de fonctionnaires
Pour la FSU
A- Les Conférences territoriales de l’action publique dans chaque région. Elles concerneront essentiellement les répartitions de compétences entre CT et des transferts « à titre expérimental » par le biais d’un pacte de gouvernance territorial. Elles seront organisées en deux formations : la première entre élus locaux (maires, présidents d’intercommunalité, de conseil général, de conseil régional) sera présidée par le président du conseil régional. La seconde accueillera en plus les préfets de département et sera coprésidée par le préfet de région et le président du conseil régional.
Un haut Conseil des territoires au niveau national est aussi créé. Mais il est renvoyé à la troisième étape du projet de loi.
B- Les compétences de la Région sont renforcées : elle devient la collectivité organisatrice de la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle. Elle organise et finance le service public régional de la formation. Elle est responsable de la politique de soutien à l’innovation. Elle copilote avec l’État et les métropoles les pôles de compétitivité. Le département n’a plus d’intervention dans le domaine économique (ou de soutien aux entreprises) sauf accord de la région.
L’État peut confier aux conseils régionaux “soit par transfert de l’autorité de gestion, soit par délégation de gestion” les fonds européens dans leurs domaines de compétences. Les conseils généraux, eux, peuvent se voir confier une “délégation de gestion” sur les actions du fonds social européen.
Régions et métropoles sont mises sur le même plan au niveau des compétences économiques notamment.
Les compétences des régions en matière de transports (ferroviaires , routiers et même aériens) sont accrues. Au niveau du transport ferroviaire, apparaît le concept de « lignes inter-régions » qui ne seraientplus sous responsabilité de l’Etat. .
Le projet de loi cible la gestion des programmes opérationnels de mise en œuvre des fonds européens (FSE, FEADER, FEDER, …).
C– L’orientation : La région définit et met en œuvre la politique régionale d’orientation tout au long de la vie. Elle coordonne les actions des organismes qui participent au service public d’orientation. Elle assure, hors des établissements scolaires, la mise en œuvre, de la politique d’orientation scolaire et professionnelle dans les CIO. Les CIO feront alors l’objet d’une convention de mise à disposition conclue entre l’État et la région. Le projet de loi de décentralisation n’envisage plus, ni transfert des CIO, ni mise à disposition des personnels. C’est un premier pas . Toutefois, la plus grande vigilance est de rigueur sur la mise en œuvre de la convention, prévue à l’article 26 entre l’autorité académique et le président de Région.
D– La formation professionnelle : le rôle de la région est renforcé (articles 15 à 22) : elle organise et finance le service public régional de la formation professionnelle. Elle devient compétente pour tous les publics (handicapés, détenus …). Elle est l’autorité organisatrice de la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle. Conformément aux dispositions de l’article L. 6111-1, elle définit et met en oeuvre la politique de formation professionnelle et d’apprentissage, élabore le contrat de plan régional de développement de l’orientation et des formations professionnelles, et adopte la carte des formations professionnelles initiales du territoire régional. » Elle devient acheteur unique de formations collectives pour les départements et Pôle Emploi.
Son rôle pour les formations sanitaires et sociales est renforcé. Elle habilite ou agrée les organismes de formation.
Elle a la compétence exclusive sur l’apprentissage avec la décentralisation des CFA.
E- Gouvernance de l’emploi et de la formation professionnelle : Un long article détaille le rôle du Conseil national de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle (fusion du CNFPTLV et CNE) ainsi que celui des CCREFP. Cet article est un ajout au code du travail.
Sur ces deux derniers points le vote de loi de refondation remet en cause ces dispositifs.
F- Langues régionales : Le projet insiste sur le rôle des régions, par un ajout dans l’article L216-1 du code de l’éducation concernant l’organisation dans les locaux scolaires par les communes, départements et régions d’activités éducatives, sportives ou culturelles complémentaires, sur la promotion des langues régionales (renvoyé dans la 3ème loi).
G- Métropoles : La métropole (déjà prévue dans la loi du 16 décembre 2010) sera un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion à l’échelle nationale. Pour prétendre à ce statut, l’ensemble urbain doit comprendre en son sein certains équipements structurants ( gare, aéroport, université …) , et compter plus de 350 000 habitants et 700 000 sur la métropole.
Métropole de Paris-Île-de-France : Elle serait mise ,en place pour 2015. Le préfet de région aura un pouvoir exceptionnel du pour finaliser la carte intercommunale. Il est créé un nouvel établissement public avec un conseil qui regroupe le maire de Paris et les présidents des intercommunalités (40 personnes qui auront à gérer 11 millions d’habitants). Elle aura les compétences des différentes intercomminalités, l’aménagement du territoire, le logement (à la place de l’état) et la préservation de l’environnement. L’actuelle région ile de France est rejetée à l’extérieure. La
Métropole de Lyon : création d’une collectivité à statut particulier sur le périmètre de la communauté urbaine de Lyon, mi-département, mi-métropole, qui aura vocation à exercer dans son ressort les compétences d’un département, certaines de la région et celles des métropoles. Le président du conseil de la métropole pourra également procéder au recrutement d’agents de police municipale pour le compte des communes de la métropole. Le président du conseil général du Rhône deviendra pratiquement président du conseil régional du Beaujolais !!!
Métropole d’Aix-Marseille : création d’un établissement public de coopération intercommunale par fusion des anciennes. Un petit souci, pour le moment, sur 118 maires, 109 sont opposés à ce dispositif.
Les autres métropoles européennes seront dotées d’un conseil de territoire pour le développement et l’aménagement économique, social et culturel, l’aménagement de l’espace métropolitain et la politique locale de l’habitat. Cela concerne : Lille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Strasbourg, Rouen, Toulon, Montpellier, Rennes et Grenoble et Nice (seule agglomération à avoir opté pour le régime de métropole introduit par la loi de 2010).
H– La politique du handicap : Les ESAT sont transférés, mais plus, les MDPH.
I– La clause générale de compétence est rétablie, allant ainsi dans le sens des départements mais elle est encadrée d’une part en soulignant qu’il faut « néanmoins » préserver la capacité d’intervenir à l’échelon le plus pertinent, et en prévoyant un « chef de file ».
J– L’action sociale : le plan pluriannuel présenté par le premier ministre sur l’action sociale est à mettre en relation avec la décentralisation. Les CT sont engagées à trouver des financements pérennes pour personnes âgées etc…
K-. Espaces mutualisés de service public : Le projet de loi modifie la notion de « maison des services publics et les remplace par des espaces mutualisés de service public avec la possibilité pour l’intercommunalité de définir les obligations de service public et pour les maintenir… de retenir et de rémunérer un opérateur privé.
L-Les transferts de fonctionnaires : Transfert de fonctionnaires de l’État aux collectivités : L’avant -projet de loi ne prévoit pas de transfert massif d’agents de l’État vers les collectivités locales (environ 500 contre 130 000 en 2004). Les agents disposeront d’un droit d’option et pourront soit conserver leur statut de fonctionnaire d’État soit opter pour le statut de fonctionnaire territorial. Les fonctionnaires disposeront d’un an pour faire jouer (ou pas) leur droit d’option. Les fonctionnaires de l’État ayant opté pour le maintien de leur statut seront placés en position de détachement auprès de la collectivité dont relèvera désormais leur service. Un retour vers l’État est possible mais pas garanti (délai maximal de deux ans à compter de leur demande, dans la limite des emplois vacants. Les agents non titulaires de l’État deviennent agents non titulaires de la fonction publique territoriale ; ils conservent, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat. Les agents contractuels qui rempliront les conditions de titularisation conserveront la possibilité de candidater aux recrutements prévus par la loi.
Transferts de fonctionnaires territoriaux à une autre CT, Ce sera le cas le plus fréquent. d’une CT à une autre : d’une commune à une intercommunalité, d’un département à une région, d’une intercommunalité à une métropole… Pour la FSU, dans le cadre des transferts de personnels d’une collectivité à une autre collectivité, la première règle qui doit prévaloir c’est l’alignement par le haut de l’ensemble des éléments indépendants du traitement de base (le temps de travail, le régime indemnitaire et le nombre de jours de congés annuels). La seconde règle doit toucher au maintien de la mission dans le cadre d’un service public local, sans externalisation, privatisation ou abandon. Si ce n’était pas le cas, le droit de retour dans la collectivité d’origine dans le même grade et cadre d’emplois doit être garanti à chaque agent transféré. L’ensemble de ces règles doivent s’appliquer aux agents titulaires comme aux agents contractuels.
La logique de ces projets de lois , c’est bien de mettre en place des pôles de compétitivité à l’échelon européen, ce qui implique l’aggravation des inégalités géographiques. Il y a bien une logique car ils s’articulent avec les lois ESR, Duflot 2 et refondation. Les précédentes décentralisations avaient pour argument de rapprocher les services publics, les collectivités des citoyens, c’est tout l’inverse ici.
Nous demandions un bilan, la définition du rôle de l’état pour définir les axes d’une nouvelle décentralisation. La réponse est une RGPP masqué (la MAP) et un acte 3 qui va creuser les inégalités entre les territoires et qui est totalement illisible pour les usagers et les personnels.
Rien n’est encore joué comme on la vu avec la loi de décembre 2010. A nous d’arriver à peser sur ces projets.