Une fois de plus, le gouvernement « oublie » les droits des femmes. Le préambule de l’avant-projet de loi rappelle que " le principe d’égalité s’applique dans l’entreprise. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit y être respectée ".
Voilà pour la théorie, et c’est bien le minimum quand on sait que les femmes continuent de gagner en moyenne un quart de moins que leurs homologues masculins et que la France se classe 132e en matière d’égalité salariale sur 134pays. Le problème, c’est que cette déclaration de principe n’est accompagnée d’aucune mesure pour rendre enfin l’égalité effective.
Surtout, le projet de loi repose sur l’inversion de la hiérarchie des normes et fait systématiquement primer les accords d’entreprise sur les accords de branche ou la loi. Ce principe est fondamentalement nuisible à la lutte pour l’égalité professionnelle, qui n’a avancé qu’imposée par la loi, sous la pression des luttes féministes.
Ajoutons que les femmes sont plus nombreuses dans les TPE/PME, où il y a moins d’implantation syndicale, et donc moins de possibilité de négocier et de se mobiliser.
Faire primer les accords d’entreprise entraînera donc une baisse des droits et garanties collectives dans les secteurs à prédominance féminine.
Dans la (longue) série de régressions prévues pour l’ensemble des salarié-e-s, certaines seront particulièrement discriminantes pour les femmes.
- Le travailler plus pour gagner moins
Le temps de travail est le premier facteur discriminant pour les femmes, qui effectuent toujours 80% des tâches ménagères. La norme du présentéisme, imposée notamment pour les cadres, les exclut des postes de responsabilité. De l’autre côté, 80% des salarié-es à temps partiel sont des femmes, avec un salaire, une protection sociale et plus tard une retraite partiels, mais une flexibilité et des amplitudes horaires maximum.
Au lieu de réduire la durée légale du travail pour faire converger le temps de travail des hommes et des femmes, et permettre à toutes et tous d’exercer leurs responsabilités familiales, le projet de loi renforce considérablement la flexibilité avec :
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- La possibilité, par simple accord, de passer de 44h maximum par semaine à 46h
- L’extension des forfaits jours
- La possibilité de moduler le temps de travail sur 3 ans, d’imposer la flexibilité aux salarié-es et de repousser d’autant les possibilités de déclenchement des heures supplémentaires
- La possibilité de baisser le taux de majoration des heures supplémentaires pour les salariés à temps plein et les salarié-es à temps partiel
- Pour les salarié-es à temps partiel, les délais de prévenance en cas de changement d’horaires seront réduits à 3 jours au lieu de 7 actuellement.
- Les durées et modalités de congés seront définis par accord d’entreprise. Par exemple, la loi garantit au¬jourd’hui un minimum de 3 mois de congé pour les salarié-es accompagnant un-proche en fin de vie ou en perte d’autonomie. Cette durée pourra être revue à la baisse par simple accord
- Les dispositions sur les congés payés ne sont plus garanties par la loi (impossibilité pour l’employeur de les modifier (sauf cas d’urgence) 1 mois à l’avance, obligation de prendre en compte la situation familiale…)
- Pour celles qui ne pourront pas s’adapter : retour à la maison !
Pour toutes celles qui ne pourront pas s’adapter, les modalités de licenciement sont facilitées. Aujourd’hui déjà, la moitié des femmes qui arrête de travailler à la naissance d’un enfant connaissait auparavant des horaires atypiques (de nuit, le week-end ou le soir). Demain, ce projet de loi facilitera les licenciements de celles et ceux qui ne pourront pas s’adapter à la flexibilité imposée.
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- Les accords de compétitivité pourront être mis en place en l’absence de difficultés économiques, et permettront d’imposer des mesures de mobilité, de flexibilité, une augmentation du temps de travail…En cas de refus, l’employeur aura le droit de licencier le ou la salarié-e
- Les entreprises n’auront plus besoin de prouver leurs difficultés économiques pour faire des plans de licenciements (PSE)
- Une remise en cause de la médecine du travail
Enfin, le projet de loi réforme en profondeur la médecine du travail. Il supprime la visite d’aptitude obligatoire et centre le suivi médical sur les salarié-es dits à risques. Sauf que les risques et la pénibilité des métiers à prédomi¬nance féminine sont justement sous évalués. Une caissière de supermarché, qui porte chaque jour 15 tonnes, sera- t-elle considérée comme exerçant un métier à risque ?
- La négociation sur l’égalité professionnelle encore attaquée
Les obligations des employeurs sont encore allégées : les négociations annuelles peuvent devenir triennales, les accords d’entreprise primeront sur les accords de branche, et la durée de vie des accords sera limitée à 5 ans, sans garantie de maintien des avantages acquis ! En bref, l’égalité professionnelle qui avance déjà très très lentement sur le terrain, est renvoyée aux calendes grecques !
Pour toutes ces raisons, nous, féministes, disons non au projet de loi travail !
Toute réforme du code du travail devrait au contraire se donner pour objectif de faire progresser les droits des salarié-e-s et de faire enfin de l’égalité une réalité !
Pour plus d’infos : inegaleloitravail.fr
Mobilisons nous !
Participons aux journées de grève et de manifestations !
En signant la pétition loitravail.lol
Signataires : Attac, CGT, Collectif National pour les Droits des Femmes, Collectif 20ème/Tenon, Coordination Lesbienne en France, les Effronté-e-s, Femmes égalité, Femmes migrantes debout, Femmes solidaires, FIDL, Fondation Copernic, FSU, Maison des Femmes de Montreuil, Marche Mondiale des Femmes France, Mémoire traumatique et victimologie, Osez le Féminisme, Planning Familial, Réseau Féministe Ruptures, Solidaires, UNEF
Mars 2016