D’après Médiapart, Le Président français veut accélérer les négociations de libre-échange entre l’Union Européenne et les Etats-Unis, pour éviter l’« accumulation de peurs ». Lors de sa conférence de presse, aux côtés de Barack Obama, le chef de l’Etat a plaidé sans détour pour une accélération du calendrier des discussions : « Aller vite n’est pas un problème, c’est une solution. Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations ». Hollande veut-il oublier que parmi les sujets explosifs de la campagne des élections européennes fin mai, il y aura ces négociations entre l’Union européenne et les Etats-Unis, pour accoucher de la plus grande zone de libre-échange au monde.

Sommaire

Le calendrier de cette dernière

Les conséquences

Les changements

Des « avantages » ?

Ces « avantages » sont-ils crédibles ?

Pour la FSU

Que pouvons-nous faire ?

Les USA ont proposé deux négociations. : une est plurilatérale avec l’Union Européenne et 20 autres pays et concerne les services. Elle se déroule dans le plus grand secret depuis février 2012. L’autre avec l’UE, le 13 février 2013, Van Rompuy et Barroso ont signé avec Obama un engagement d’entamer la procédure en vue de négocier le Grand Marché Transatlantique (GMT) appelé aussi TAFTA : Trans-Atlantic Free Trade Agreement

Le calendrier de cette dernière : Le 23 mai 2013, le Parlement européen donne un feu vert à l’ouverture des négociations. Le 14 juin, les 27 gouvernements approuvent le mandat de négociation, sans que les parlements nationaux soient consultés. Le 8 juillet, les négociations commencent à Washington malgré le scandale de la NSA qui espionne la Commission européenne et les ambassades des pays de l’UE. Elles se poursuivent au rythme d’une session tous les trois mois.

Les buts

• Réduire voire supprimer les droits de douane et les taxes sur les importations

• Abaisser les barrières non tarifaires : il s’agit d’obtenir l’alignement sur les normes alimentaires, sanitaires, sociales, financières les moins protectrices (celles des USA) en supprimant des législations, des réglementations, des normes qui sont jugées par les entreprises étrangères comme des mesures visant à protéger le marché intérieur contre la concurrence extérieure.

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Les conséquences

Pour Jacques Berthelot, agro-économiste, un tel accord dans le domaine agricole « accélérerait le processus de concentration des exploitations pour maintenir une compétitivité minimale, réduirait drastiquement le nombre d’actifs agricoles augmenterait fortement le chômage, la désertification des campagnes profondes, la dégradation de l’environnement et de la biodiversité et mettrait fin à l’objectif d’instaurer des circuits courts entre producteurs et consommateurs. ». Ainsi, la demande des Etats Unis est de pouvoir vendre du bœuf aux hormones, des poulets nettoyés au chlore, des animaux clonés, des aliments OGM et bien sur sans les contraintes d’un étiquetage précis et de la traçabilité des aliments.

Pour les services, on va aller beaucoup plus loin vers la suppression de tout ce qui entrave la libre concurrence des activités de service relativement protégées en Europe comme la santé, l’éducation, l’eau, l’énergie, la recherche, les transports, la sécurité sociale, les services financiers et d’assurance. Ce qui est accordé par les pouvoirs publics à leurs services publics doit l’être aux mêmes services fournis par le privé (ex : école publique/école privée ; hôpital public/clinique privée, sécurité sociale/assurances privées). Ceci conduira inéluctablement à leur privatisation.

Toute politique industrielle en faveur d’une région défavorisée ou d’un type d’entreprise (PME) sera rendu impossible à moins de fournir aux investisseurs étrangers les mêmes aides que celles accordées aux investisseurs nationaux.

Les investisseurs pourront se soustraire aux exigences nationales et locales en matière de temps de travail, de salaires, de salaires différés (cotisations patronales), de conditions de travail, de sécurité et d’hygiène, de respect de l’environnement, d’utilisation des bénéfices nets.

Les firmes privées auront le pouvoir de poursuivre les Etats et les collectivités locales devant un mécanisme privé (arbitrage) contraignant qui n’appartient pas au système judiciaire.

Des exemples : Chevron pourra faire annuler l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste. Philip Morris pourra faire disparaître les avertissements sanitaires sur les paquets de cigarette. La NRA pourra demander la suppression des limites au libre commerce des armes.

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Les changements

1. Mesures sanitaires et phytosanitaires : exigence que les protections soient basées sur des preuves scientifiques. On sait que les entreprises américaines contestent le bien fondé scientifique des normes sanitaires en vigueur en Europe.

2. Réglementations techniques : renforcer et compléter l’accord de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce. « Les exigences de marquage doivent être limitées à ce qui est l’essentiel et ce qui est le moins restrictif pour le commerce » (document Commission européenne)

3. L’énergie, l’article 37 prévoit que : « L’Accord comprendra des dispositions concernant le commerce et les aspects liés à l’investissement en ce qui concerne l’énergie et les matières premières. Les négociations devraient viser à assurer un environnement commercial ouvert, transparent et prévisible en matière d’énergie et à garantir un accès libre et durable aux matières premières. » Non seulement cet article va permettre la mise en concurrence (et donc la privatisation à terme) de la production et de la distribution de toutes les formes d’énergie, mais il ouvre la porte à la contestation de lois limitant ou interdisant l’usage de certaines (ex : gaz de schiste). Les Etats ne seront plus maîtres de leur sol, ni de leur pouvoir de fixer les prix des produits énergétiques sur le marché national.

4. « L’Accord comprendra des dispositions sur l’entière libéralisation des paiements courants et des mouvements de capitaux (…). » Les leçons de la crise financière ne sont pas tirées et les spéculateurs gardent les coudées franches. Aucune proposition de régulation du capitalisme financier.

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Des « avantages » ?

Le Centre for Economic Policy Research de Londres a produit en mars 2013 un rapport validé par la Commission et le Conseil. Il affirme que les gains du GMT seront à l’horizon 2027 : + 0,27 à 0,5% d’augmentation du PIB dans l’UE ; entre 400.000 et 500.000 emplois … Pour d’autres études le coût en matière d’emploi n’est intégré. Leur hypothèse : le taux de chômage avant et après l’accord reste le même, soit 26,5 millions de chômeurs dans l’UE à 27 de 2013.

Nous ne pouvons qu’avoir confiance dans ces pythies … quand on voit leur crédibilité sur le dossier des retraites. D’autant que les méthodes d’évaluation et les modèles économiques utilisés sont basés sur des interviews de dirigeants d’entreprises tous favorables à la libéralisation.

Par contre pour le privé, ce sera tout de suite la baisse, voire la disparition, des obligations sociales, sanitaires, environnementales et culturelles ; la liberté d’investir ce qu’il veut, où il veut, comme il veut et d’en retirer le profit qu’il veut, c’est-à-dire la fameuse concurrence libre et non faussée ; des normes édictées par le privé, pour le privé et la limitation du droit des gouvernements et des parlements à légiférer.

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Ces « avantages » sont-ils crédibles ?

L’Accord de Libre Echange Nord Américain (ALENA : entre les USA, le Canada et le Mexique) est en vigueur depuis 19 ans. Résultats : Les salaires des salariés américains et canadiens ont été tirés vers le bas sans que les salaires mexicains augmentent. Les USA n’ont pas respecté cet accord : ils ont versé des aides publiques à leurs « champions » industriels et agricoles (comme aujourd’hui soutien à Apple contre Samsung, malgré un accord de Libre Echange avec la Corée du Sud). Pour respecter le chapitre « investissements » de l’accord, le Mexique a été contraint de modifier sa Constitution protégeant certains territoires. Avant l’ALENA, le Mexique était exportateur net de produits agricoles, aujourd’hui il est importateur net avec la destruction de milliers d’emplois dans l’agriculture et la désertification de son terrotoire. La firme américaine Lone Pie poursuit le Canada parce que le Québec a interdit l’extraction du gaz de schiste. Un laboratoire américain poursuit le Canada qui conteste un brevet sur un médicament.

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Pour la FSU

Il faut remettre en cause le libre-échange comme principe universel, contraindre la finance : Organiser les échanges internationaux en fonction des besoins économiques, sociaux, environnementaux et culturels, ce qui implique la mise en place d’une nouvelle organisation internationale, basée sur un accord fondateur se substituant aux accords actuels de l’OMC, intégrant les questions sociale et environnementale et visant un accès équitable de tous les peuples aux ressources naturelles et matières premières fondamentales. Assurer le droit des pays du Sud d’être acteurs de leurs échanges et de protéger par des mesures adéquates leurs productions locales …

La santé, l’éducation, l’énergie, l’eau, la biodiversité, la culture, la recherche publique ; et plus généralement les secteurs qui relèvent des services publics doivent être exclus du champ de l’OMC et des accords de « libre échange » international …

Aucun développement durable ne peut être atteint sans un contrôle strict des mouvements de capitaux. Plusieurs mesures sont nécessaires : re-réglementer les marchés financiers, contrôler les mouvements de capitaux, supprimer les paradis fiscaux, lutter contre le dumping fiscal, encadrer strictement les acteurs de la finance, mettre sous contrôle public le système bancaire et lever le secret bancaire pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale, le détournement de fonds publics et la corruption …

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Que pouvons-nous faire ?

Pendant les négociations, les gouvernements sont étroitement associés, on peut agir sur eux.

Lorsque les négociations seront terminées, la Commission européenne doit soumettre le résultat aux 28 gouvernements qui lui donnent ou non le droit de signer au nom de l’UE : on peut agir sur les gouvernements qui doivent soumettre le traité à la ratification de leur Parlement : on peut agir sur les élus (députés et sénateurs). Le Parlement européen a le pouvoir d’accepter ou de refuser le traité : on peut agir sur les députés européens que nous éliront en 2014.

Il est urgent de changer de paradigme, de faire le choix d’une autre mondialisation, basée sur la coopération, la solidarité et la démocratie, qui réponde aux besoins sociaux, économiques, écologiques et culturels des générations actuelles et futures. La FSU du Jura proposera à ses partenaires de mettre en place un mouvement social pour imposer contre cet accord.

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Pour en savoir plus : le site d’Attac, le blog de M. Jennar, http://www.monde-diplomatique.fr/2014/03/HALIMI/50200, alter éco aout 2013.