Si on veut éviter la paupérisation des travailleurs tout en faisant reculer rapidement le chômage, il faut « travailler moins pour travailler tous et mieux »


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La France compte actuellement 6,5 millions d’inscrits à Pôle emploi, 2,8 millions de plus qu’en 2008. Le chômage de masse mine depuis longtemps déjà la société hexagonale, mais ce fléau a pris une ampleur sans précédent ces dernières années. Il y a urgence à réagir.

L’activité a certes repris depuis 2015 et elle pourrait accélérer encore un peu avec des politiques économiques plus dynamiques en Europe. Mais avec la crise écologique qui s’aggrave, les perspectives de croissance sont limitées et le resteront. De plus, la révolution numérique et la robotisation pourraient bien, elles aussi, menacer de nombreux emplois. Il n’y a donc quasiment aucune chance que l’évolution spontanée de l’économie permette de faire reculer le chômage à un rythme suffisant pour éviter les risques d’explosion auxquels la société française est confrontée aujourd’hui.

D’autres pays affichent cependant un taux de chômage plus faible que la France. Le plus souvent ce résultat est atteint grâce à un vaste secteur de « travailleurs pauvres », via une croissance massive du travail à temps partiel féminin et un retour en force du travail indépendant. Ces personnes occupent certes un emploi, mais n’en ont pas moins les plus grandes difficultés à se loger, à se soigner, à éduquer leurs enfants… Bref, à mener une vie décente. Ces politiques creusent de plus les inégalités entre riches et pauvres et les écarts entre hommes et femmes.

Si on veut éviter ces écueils tout en faisant reculer rapidement le chômage, il faut « travailler moins pour travailler tous et mieux ». Au tournant des années 2000, le passage aux 35 heures hebdomadaires avait eu un effet très positif sur l’emploi et l’activité, malgré certaines difficultés dans sa mise en oeuvre, notamment en matière d’intensification du travail. Il faut d’urgence reprendre ce chemin, même s’il faut probablement s’y prendre autrement, et notamment ne plus raisonner seulement sur le temps de travail hebdomadaire.

Nous avons pleinement conscience de la difficulté de l’exercice tant en termes de financement que d’organisation des entreprises, mais cette question doit revenir au coeur du débat public. Non seulement pour réduire le chômage, mais aussi pour reprendre la marche en avant du progrès social et sociétal, en favorisant des modes de vie plus équilibrés et plus respectueux de l’environnement. Nous vous demandons de nous y aider en portant vous aussi ce débat sur votre lieu de travail, dans vos collectivités, vos syndicats, vos partis, vos associations… Il en va de l’avenir de notre démocratie et de notre modèle social.