La situation économique en Bretagne, c’est la désertification industrielle et sociale autour de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Cette situation, par bien des aspects, ressemble à celle de la Lorraine dans les années 80.
Depuis des dizaines d’années, le secteur agricole et celui de l’agroalimentaire sont modelés par les subventions européennes au gré des directives et par la politique d’emprunt liée aux caisses régionales du Crédit Agricole. Un exemple : la demande en agriculture bio est d’environ 20% du marché, tant que ce volume n’est pas atteint, il y a des subventions européennes pour que les agriculteurs s’installent. Quand il sera atteint, les subventions seront supprimées. L’économie bretonne a été façonnée par ces politiques.
Depuis encore plus longtemps, il n’y a pas d’autoroute en Bretagne. Elles s’arrêtent à la limite de l’Ille et Vilaine pour aller sur Rennes au nord et à Nantes au sud. C’est le fruit d’un compromis entre l’Etat français et ces régions. A la place des autoroutes, il y a des routes à 4 voies gratuites. Cela donne aussi un autre contexte à la question de l’écotaxe puisque la gratuité des routes (en dehors du financement par l’impôt) est une réalité bretonne.
La Bretagne, comme les autres régions, est confrontée à la déstructuration des services publics. Il y a eu une mobilisation victorieuse contre la fermeture de la maternité Carhaix avec la mise en place d’un comité de défense regroupant la population et pas seulement les partis classés « à gauche » ou les organisations syndicales.
En Bretagne, le syndicalisme majoritaire, lié à l’histoire cléricale de cette région, c’est la CFDT. Elle est absente régionalement sur le dossier de l’emploi à cause de sa volonté d’accompagner le gouvernement. La CGT et FO existent dans certaines entreprises, mais dans un cadre de morcellement et de faiblesse de l’outil syndical. Elles n’ont pas pu être à la pointe d’un mouvement social de centralisation des luttes qui existe dans cette région, comme dans le reste du pays contre les restructurations, les plans de licenciements.
Face au désastre économique, les salariés de Marine Harvest (entreprise d’élevage de saumons bénéficiaire et qui licencie) et des comités de défense de l’emploi (mis en place sur l’exemple du comité de défense de la maternité de Carhaix) ont appelé à une mobilisation le 3 novembre. Comme en Lorraine, avec notamment les opérations villes mortes, ce ne sont pas seulement les salariés qui se mobilisent mais la « population ». C’est une situation de batailles interclasses sociales. En l’absence des organisations syndicales et dans un contexte d’affaiblissement du gouvernement notamment sur le « ras le bol fiscal », la droite (patronat, FNSEA …) a compris qu’elle peut utiliser le « ras le bol fiscal » et l’écotaxe pour récupérer ce mécontentement. A Quimper il y avait de nombreux salariés de boites en luttes et aussi des militants politiques, syndicaux. Très peu de FN, en tout cas très en deçà du focus de certains medias, mais beaucoup de drapeaux bretons car il existe un fond « identitaire régionaliste » breton.
A Carhaix, le même jour, des organisations syndicales et d’autres organisations politiques ont voulu trouver un autre moyen de fédérer le mécontentement autour des questions sociales. La FSU était présente dans les deux cortèges.
Le 23 novembre, à l’appel des organisations syndicales (CGT, CFDT, FSU, Solidaires), environ 15000 manifestants se sont mobilisés dans les préfectures de la région. C’est un nouveau pas dans la construction d’un mouvement pour l’emploi.
Au-delà de la récupération par la droite du mécontentement social, la question est bien de ne pas laisser la place, d’être à l’offensive, de reprendre la main et la rue à travers ces dossiers, de retravailler un large front sur la question des solidarités, de l’emploi, du travail.