Alors qu’environ 6000 personnes s’entassent dans la "jungle " de Calais, deux décisions viennent mettre à mal la politique menée par le gouvernement.

Le 23 novembre 2015, le conseil d’état, a rejeté les appels formés par le ministre de l’intérieur, la commune de Calais, les associations requérantes et les migrants.

Le juge des référés du Conseil d’État a estimé que les conditions de vie dans la "jungle" étaient bien de nature à exposer les migrants vivant sur le site à des traitements inhumains ou dégradants et il a confirmé les ordonnances du juge administratif de Lille :
"-" à l’État de procéder, dans un délai de quarante-huit heures, au recensement des ineurs isolés en situation de détresse et de se rapprocher du département du Pas-de-Calais en vue de leur placement ;

"-" à l’État et à la commune de Calais de commencer à mettre en place, dans les huit jours, des points d’eau, des toilettes et des dispositifs de collecte des ordures supplémentaires, de procéder à un nettoyage du site, de créer des accès pour les services d’urgence.

Ces mesures doivent donc être exécutées.

En revanche, il a rejeté les demandes de Médecins du monde et du Secours Catholique car il a constaté que plusieurs mesures demandées par les requérants ne sont pas de celles que le juge du « référé-liberté » a le pouvoir d’ordonner, compte tenu de sa mission, qui est de se prononcer dans un délai très bref.

Il a relevé, ce qui n’était plus guère contesté, que les mesures nécessaires pour assurer la sécurité sur le site avaient bien été prises.

Il a, ensuite, estimé qu’aucune carence caractérisée ne pouvait être reprochée à l’État en matière d’asile dans la mesure où il était déjà suffisamment fait pour la prise en charge des migrants présents sur le site au titre de l’asile (information, accompagnement des demandeurs, places en centre d’accueil).

Et pourtant si on en croit la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) qui a visité le Centre de Rétention Administrative de Coquelles (Pas de Calais) en juillet dernier, la situation n’est pas aussi simple. Elle a constaté une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et a saisi le ministre de l’intérieur.

Elle reproche :

Un traitement de masse des déplacements induisant une prise en charge collective et sommaire qui prive les personnes de l’accès à leurs droits

"-" Des atteintes au droit au maintien des liens familiaux.
"-" Un accès insuffisant aux droits et à l’information.
"-" Des actes stéréotypés et des procédures non-individualisées, sources d’imprécisions et d’irrégularités
"-" Le contrôle juridictionnel. Le CGLPL estime que ces déplacements collectifs restreignent de fait l’assistance juridique et neutralisent, par la durée du trajet, une partie importante du délai de recours, ce qui porte atteinte à l’effectivité du droit au recours des personnes retenues contre les décisions les concernant.

Des conditions indignes pour les personnes retenues comme pour le personnel

"-" Des cellules sur-occupées à l’hôtel de police de Coquelles. La grande majorité des personnes dormait à même le sol, certaines sans couverture. Les cellules collectives sont dépourvues de WC, les personnes sont donc soumises à la disponibilité des policiers pour se rendre aux toilettes. Des WC séparés par une cloison à mi-hauteur équipent les cellules simples, les personnes se retrouvaient contraintes d’utiliser les WC en présence de co-cellulaires, situation attentatoire au respect de la dignité humaine.

"-" Des policiers et gendarmes très impliqués mais épuisés par la charge de travail. Les policiers de l’hôtel de police de Coquelles sont tous soumis à une forte pression du fait du traitement de masse qui leur est imposé.

"-" Au sein des CRA de destination, le nombre de personnes déplacées simultanément pèse sur la qualité de l’accueil et des informations délivrées et nuit également à la prise en charge des autres personnes retenues.

Un usage détourné de la procédure de placement en rétention administrative

"-" Un ensemble d’éléments démontrant une volonté de répartir les personnes sur le territoire national pour « désengorger » Calais.
"-" 578 personnes libérées sur 779 personnes déplacées entre le 21 octobre et le 10 novembre 2015. Le 10 novembre 2015, 186 personnes (24 %) sont encore retenues, dont 117 depuis moins de cinq jours. Les 593 autres (76 %) sont sorties de CRA : 15 ont été réadmises dans un pays de l’Union européenne (2 % des 779 personnes déplacées) et 578 ont été libérées (74 %). Ces dernières ont été remises en liberté par différentes instances : 397 par la préfecture (51 % des 779 personnes déplacées), 81 par un JLD ou une cour d’appel (10 %) et 100 par le tribunal administratif auprès duquel elles avaient formé un recours contre la décision d’OQTF (13 %). Or, le placement en rétention administrative doit avoir pour seule finalité de permettre à l’administration d’organiser l’éloignement de la personne.

La CGLPL se dit consciente de la gravité de la situation nationale créée par une crise migratoire de très grande ampleur ainsi que de la complexité de la situation locale mais elle tient à rappeler que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être respectés en toutes circonstances.

La CGLPL recommande qu’il soit mis fin à ces situations.

Le but du gouvernement est de vider Calais par tous les moyens. Il prend le risque de créer les conditions de l’arrivée de passeurs organisant le transfert vers le Royaume Uni, alors que jusqu’à présent les migrants étaient plutôt dans une débrouille individuelle.

Dans le cadre de l’état d’urgence, une nouvelle interdiction a été édictée par la Préfecture du Pas de Calais :l’interdiction de marcher sur la route nationale 2016. C’est la rocade à quatre voies qui contourne Calais et mène au port. Les réfugié-es la suivent à pied dans un sens ou dans l’autre pour aller vers différents lieux de passage ou en revenir, ou pour aller à l’hôpital en évitant le centre-ville où les contrôles au faciès sont fréquents. Ils essayent également de monter dans les camions lorsqu’il y a des embouteillages.

Cet arrêté réprime de 7500 € d’amende et de 6 mois d’emprisonnement le fait d’être à pied sur l’emprise de la RN 216, et de refuser de s’y soumettre à un contrôle d’identité. Il permet en prime l’arrestation des personnes sans document d’identité, pouvant déboucher sur leur placement en centre de rétention.

Pour la FSU, nous sommes de la même humanité que ces femmes, ces hommes et ces enfants qui fuient la guerre, la dictature et la misère pour ne pas mourir. La question des migrations, en France comme ailleurs, ne se règlera ni par la violence ni par le déni.

Les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de solidarité sont aujourd’hui mises à l’épreuve dans notre pays. Il ne s’agit ni plus ni moins que de permettre à toutes ces personnes de trouver un accueil, de se construire un avenir. Il ne s’agit ni plus ni moins que de respecter les droits humains les plus élémentaires, les droits de l’enfant aussi. C’est dans le droit fil de la tradition historique d’accueil de notre pays.