Transformation des instances de représentation des personnels, des CHSCT dans le privé …. Il serait illusoire de penser que seul le privé sera touché : à termes c’est toute la logique ultra libérale de l’entreprise qui sera à l’œuvre, services publics compris.

L’ultime séance de négociations du 22 janvier entre les syndicats et le patronat n’a pas abouti à un accord.

Le patronat défend un projet qui vise à mettre à bas tout le système actuel de représentation des salariés au sein des entreprises, organisé autour des délégués du personnel, des comités d’entreprise (CE) et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). La réforme, si elle aboutit, aurait des incidences majeures sur la démocratie sociale au sein des entreprises, sur le droit des salariés et de leurs représentants. Elle bafouerait aussi certains des principes fondateurs de la République.

Que contient ce projet du Medef. Voici sa dernière mouture en date du 11 décembre 2014 sur le site de Médiapart

À la lecture de ce document, on comprend d’emblée que le projet du Medef contient effectivement une disposition majeure, affichée en son article 2 : « Le conseil d’entreprise est l’instance unique de représentation du personnel. » Il se substituerait aux trois institutions actuelles de représentation du personnel. Ce projet représente une contre-révolution sociale sans précédent dans l’histoire contemporaine du mouvement social en France. L’intitulé même de cette nouvelle institution, le « conseil d’entreprise », résume la philosophie du projet. Il s’agit de remettre purement et simplement en cause le principe démocratique selon lequel les salariés peuvent disposer d’institutions qui les représentent au sein des entreprises pour reléguer ces institutions à une simple fonction de « conseil ».

C’est une remise en cause de l’article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. : Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

Le Code du travail entérine le fait qu’employeurs et salariés n’ont pas nécessairement des intérêts communs, que les salariés ont des intérêts spécifiques, sinon même opposés. Ils peuvent donc légitimement avoir des institutions propres qui les représentent. D’où tous les pouvoirs qui sont conférés par le Code du travail aux comités d’entreprise : « Le CE assure l’expression collective des salariés. Il permet la prise en compte de leurs intérêts dans les décisions relatives à la vie dans l’entreprise. » Le Code du travail codifie aussi de manière très stricte les obligations auxquelles sont soumis les employeurs en matière d’information et de consultation des CE, qui peuvent aussi, en cas de situation de difficultés de l’entreprise, exercer un droit d’alerte et demander des explications à l’employeur – qui est obligé de les fournir –, une expertise auprès des tribunaux, ou encore la récusation des commissaires aux comptes, sans parler des missions sociales et culturelles des mêmes CE.

Ce projet patronal constitue aussi une remise en cause des textes fondateurs de l’Union européenne :

"-" les articles 21 et 22 de la Charte sociale européenne qui garantit « l’exercice effectif du droit des travailleurs de prendre part à la détermination et à l’amélioration des conditions de travail et du milieu du travail dans l’entreprise ».
"-" la directive européenne du 11 mars 2002.

La mise à mort programmée des CHSCT

La constitution d’un CHSCT est une obligation légale dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés depuis les lois Auroux, de1982. Dans le projet du Medef, les CHSCT seraient seulement facultatifs et ne disposeraient pas de leurs prérogatives actuelles : « Le conseil d’entreprise ou d’établissement peut constituer en son sein une commission chargée de l’assister pour l’exercice de ses attributions liées aux questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Dans les établissements entre 50 et 500 salariés, cette commission est mise en place par accord d’établissement ou d’entreprise. Dans les établissements de 500 salariés et plus, la commission est constituée si plus de la moitié des membres du conseil le demande. »

Cette commission ne pourrait être mise en place dans les établissements qui comptent entre 50 et 500 salariés qu’avec un accord d’établissement ou d’entreprise, cela dépendrait de la volonté de l’employeur d’approuver un tel accord, si l’employeur ne veut pas d’une telle commission, elle n’a aucune possibilité de voir le jour.

La mise à mort des CHSCT, voulue par le Medef, serait donc socialement très préoccupante. Il s’agit de retrouver le pouvoir de direction de l’employeur sans aucune limite, sans être subordonné au principe d’ordre public de la santé et de la sécurité des salariés. Le CHSCT dispose d’un réel pouvoir de contrainte vis-à-vis des employeurs, afin d’obliger ceux-ci à respecter leurs obligations de santé et de sécurité des salariés qui sont issues du droit européen.

Le patronat veut aussi remettre en cause la possibilité ouverte actuellement aux CE ou CHSCT de recourir à des expertises indépendantes, financières ou sociales. Cette régression est consignée à l’article 4.3.5.2 du projet : « Le choix de l’expert, ainsi que la nature, l’étendue de sa mission et le montant de ses honoraires se font d’un commun accord entre l’employeur et les membres élus du conseil, le cas échéant après un appel d’offres si les délais dans lesquels le conseil doit rendre son avis le permettent. »

Et les représentants déjà élus

Ce projet aurait une autre conséquence. Le remplacement des trois institutions actuelles (DP, CE et CHSCT) par une seule, le conseil d’entreprise, aurait pour conséquence mécanique de réduire le nombre des personnes qui, au sein des entreprises, bénéficient du statut de salarié protégé encadré par le Code du travail.

Que deviendraient tous les salariés qui ont actuellement une fonction de représentation dans les entreprises et qui pourraient perdre leur statut protecteur ? Qu’adviendrait-il de tous ceux qui se sont opposés à leurs patrons ? Ce projet pourrait permettre dans la foulée une purge syndicale.

Et les contreparties :
En échange le MEDEF et l’UPA (artisans) proposent que des commissions régionales soient mises en place pour représenter les salariés des petites entreprises de moins de 11 personnes où il n’existe actuellement aucune obligation. Mais sans préciser les moyens spécifiques pour qu’elles fonctionnent.

Après cet échec, le Medef peut-il une nouvelle fois compter sur le gouvernement pour qu’il appuie son projet. C’est dans la logique des dispositions de la loi Macron et de la politique menée par ce gouvernement depuis son élection.

Il serait illusoire de croire que, si un tel projet se mettait en place dans le privé, les services publics et leurs personnels ne seraient pas touchés. Nous voyons bien au jour le jour comment notre administration essaie de limiter notre action à travers les CHSCT. Même si dans le public nous avons beaucoup moins de moyens de pression que dans le privé, la disparition des CHSCT ne peut que nous inquiéter.

Pour la FSU du Jura, seule la mobilisation pourra bloquer ce type d’accord. Elle est disponible pour participer à des initiatives interprofessionnelles pour le respect des droits des personnels.